Bar des sciences 2019 : Le golfe Saint-Laurent en pleine mutation

L’importance du changement climatique

Dans le contexte du centenaire de la Société Provancher, se tenait le 12 octobre 2019, à la microbrasserie Le Caveau des Trois-Pistoles, un Bar des sciences portant sur le Saint-Laurent marin et le changement climatiqueTrois-Pistoles, sise sur les rives de l’Estuaire maritime du Saint-Laurent et voisine de l’île aux Basques, avait été choisie pour la tenue de cet événement en raison de son importance capitale dans l’histoire de la Société.

Le professeur Émilien Pelletier, océanographe chimiste retraité de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, a mené la discussion entre la quarantaine de participants et les trois experts invités, soit le professeur Jean-Claude Brêthes, spécialiste des pêches à l’UQAR, le Dr Denis Gilbert, chercheur en océanographe physique à l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada à Mont-Joli et le professeur Alfonso Mucci, géochimiste marin à l’université McGill.

Les paragraphes qui suivent résument les faits et données présentés par les experts et le modérateur, ainsi que les opinions consensuelles exprimées lors de la discussion.

Le Golfe du Saint-Laurent change

Tour à tour, les experts ont expliqué comment les eaux du Golfe avaient changé en moins d’un siècle. Ainsi, l’effet de serre a fait grimper la température moyenne de l’eau d’environ 4°C depuis 1930.  Ce réchauffement des eaux a amené ensuite des modifications à la répartition et à l’abondance des espèces. Ainsi, alors que les stocks de morue s’effondrent, le sébaste et le thon rouge, par exemple, sont en augmentation marquée et le homard est maintenant abondant sur la Côte-Nord.

Le CO2 atmosphérique monte en flèche depuis des décennies et la portion de gaz carbonique dissous dans les eaux marines a augmenté, résultant en une acidification significative, ce qui risque d’affecter les organismes à coquille, et ce, à divers stades de leur cycle vital.

L’oxygène dissous, essentiel à la vie marine, diminue depuis de nombreuses années dans le Golfe et l’Estuaire maritime: ainsi, au niveau de Rimouski, ce gaz est 5 fois moins concentré au fond de l’estuaire qu’en surface. Une cause importante de cette diminution réside dans les changements en apports d’eaux profondes, celui du Gulf Stream, plus chaud et moins riche en oxygène, ayant augmenté par rapport à celui du courant du Labrador avec ses eaux froides et plus oxygénées.

En ce qui a trait à la pollution du système du Saint-Laurent, la situation actuelle est meilleure qu’il y a 20 ans. Il est vrai que les bélugas résidents peuvent être parfois très contaminés, mais cela s’explique compte tenu du fait qu’ils sont au sommet de la chaîne alimentaire, où se concentrent les contaminants, et aussi du fait que leur longévité potentielle (plus de 70 ans) signifie que plusieurs d’entre eux accumulent des polluants durant une très longue période.

Qu’en est-il du niveau de la mer?

 L’augmentation du niveau de la mer à cause du réchauffement climatique est encore assez peu perceptible au Canada. Toutefois, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) estime  que le niveau moyen des océans pourrait augmenter de 43 à 84 cm d’ici 2100, selon les mesures de réduction des gaz à effet de serre (GES) que prendra, ou non, l’humanité. D’ici 2300, l’augmentation pourrait être de l’ordre de 2 à 5 mètres. L’augmentation viendra principalement de la fonte des calottes glaciaires: si celle du Groenland disparaissait au complet, le niveau des océans monterait de 7 m, alors que la fonte de toute la glace antarctique causerait une élévation de 58 m! Évidemment, la fonte de ces calottes se fera sur une longue période.

Le changement climatique: réalité et urgence d’agir

 Le réchauffement climatique actuel est réel et causé en majeure partie par l’intensification des rejets dans l’atmosphère de GES résultant de l’activité humaine. Il y a quasi-unanimité de la communauté scientifique sur ce diagnostic. Dans le Golfe et l’Estuaire maritime du Saint-Laurent, l’augmentation de la température de l’eau et du CO2 dissous, la diminution de l’oxygène dissous et la répartition changeante des espèces marines prédominantes sont toutes reliées à des degrés divers au réchauffement climatique.

Que pouvons-nous y faire? Certains avancent, parmi beaucoup d’autres propositions, des technologies de captation du carbone. Cependant, ces méthodes sont extrêmement coûteuses, et donc peu réalistes. La majorité des experts recommande plutôt une action immédiate de réduction drastique de nos rejets de CO2 et un passage des combustibles fossiles aux énergies vertes, afin de maintenir l’augmentation moyenne de température de l’atmosphère terrestre à 2°C d’ici 2100. Tous les pays, toutes les industries et tous les citoyens doivent cependant y mettre du leur. Notre système économique de croissance infinie doit être revu. Chaque geste compte.

Certains trouvent qu’un tel discours crée de l’écoanxiété, surtout chez les enfants. Pourtant, c’est avant tout l’inaction qui inquiète. Si chacun considère ce qu’il pourrait faire pour réduire le problème et passe à l’action, tous s’en porteront mieux. Si personne ne bouge, l’humanité et les animaux ne disparaîtront pas demain matin, mais la vie pourrait devenir beaucoup plus difficile au cours du siècle à venir.

Jean Piuze,  D.Sc.

Gestionnaire de recherche en sciences de la mer, retraité de Pêches et Océans Canada

17 octobre 2019

Bar des Sciences 2019 à Trois-Pistoles De gauche à droite: Jean-Luc Desgranges, Émilien Pelletier, Jean-Claude Brêthes, Alfonso Mucci et Denis Gilbert
Émilien Pelletier, professeur émérite de l’ISMER. animateur du Bar des Sciences 2019. Photo : Élisabeth Bossert

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