Le bateau Jean-Philippe, immatriculé 11D911, dans la vague. Photo Jean-Pierre Rioux

Les gardiens de l’île aux Basques, d’hier à aujourd’hui – partie 4; 1991-2005

Chronique sur l’histoire des gardiens de l’île aux Basques

La Société Provancher profite de son centenaire pour souligner l’apport de certains de ses plus importants contributeurs. Parmi ceux-ci, les gardiens de l’île aux Basques méritent une attention particulière. Pour souligner leur contribution, au cours de l’année 2019, nous publierons dans notre infolettre, sous forme de chronique, une série d’articles relatant les mémoires du gardien actuel, M. Jean-Pierre Rioux.

En plus des gardiens qu’il a côtoyés, M. Rioux nous décrira aussi les bateaux qu’ils ont eus pour faire la traversée à l’île. Toutefois, la mémoire étant ce qu’elle est, il insistera davantage sur le dernier demi-siècle.

Centenaire Société Provancher 100 ans

Cent ans d’engagement pour la nature

Les gardiens de l’île aux Basques, quatrième partie, 1991-2005

Dans cette quatrième chronique sur les gardiens de l’île aux Basques, notre gardien actuel, M. Jean-Pierre Rioux,

nous parle de l’acquisition de son deuxième bateau, le Jean-Philippe et de ses 15 premières années de gardiennage.

Besoin d’un deuxième bateau

Embauché par la Société Provancher le 2 avril 1991 à titre de « gardien de l’île », je n’avais alors qu’un seul bateau, le Fleur de mai.  Les deux gardiens précédents, Marc-André Bélisle et Raynald Dionne, avaient chacun deux bateaux pour s’acquitter du transport vers l’île aux Basques et de l’entretien des chalets et des sentiers. Alors, je me suis dit qu’il devait y avoir une raison : c’était par mesure de sécurité. Si un bateau tombait en panne, on pouvait donc se dépanner avec l’autre. C’est ainsi que l’année suivant mon entrée en fonction comme gardien de l’île, j’ai entrepris des démarches pour me procurer un deuxième bateau.

J’avais d’abord envisagé d’acheter le « flat » de Raynald Dionne, L’Esquimau, mais il y avait trop de réparations à faire pour le rendre navigable de façon sécuritaire. Je suis allé ensuite à l’île Verte pour y rencontrer Raoul Dionne, pêcheur à la retraite, qui lui aussi possédait un « flat » à vendre. Mais, il était trop petit.

À la recherche d’un deuxième bateau

Je me suis alors mis à chercher un bateau convenable dans la revue Bateau Hebdo. Quatre principaux critères m’animaient : 1) avoir un bon bateau sécuritaire sans à avoir à faire des radoubs, 2) avec une capacité d’au moins 5 tonneaux, 3) un faible tirant d’eau et 4) être prêt à opérer pour la saison en cours. Et c’est à Maria, en Gaspésie, que j’ai trouvé cette embarcation.

C’était un homardier construit par la famille Stanley Doucet, constructeurs de bateaux à Saint-Omer près de Carleton. Le propriétaire Wilfrid Murray, lui-même pêcheur de homard, avait fait construire ce bateau en 1987 en fonction de ses besoins de pêche. Toutefois, en raison d’une attaque cardiaque, il n’a jamais pu l’utiliser. De sorte qu’après avoir vendu son permis de pêche, il a été contraint de le mettre en vente. Et c’est ainsi que j’ai acheté ce bateau immatriculé 11.D.911. Le 30 avril, il était rendu à Trois-Pistoles.

Le bateau Jean-Philippe accosté à l'île aux Basques par le capitaine Jean-Pierre Rioux. Photo Jean-Pierre Rioux
Le Jean-Philippe accosté à l’île aux Basques par le capitaine Jean-Pierre Rioux. Photo Jean-Pierre Rioux
Bateau le Jean-Philippe, immatriculé 11D911. Photo Jean-Pierre Rioux
Bateau le Jean-Philippe, immatriculé 11D911. Photo Jean-Pierre Rioux
M. Jean-Pierre Rioux, capitaine et gardien de l'île aux Basques depuis 1991. Photo : Info-Dimanche.
M. Jean-Pierre Rioux, capitaine et gardien de l’île aux Basques depuis 1991. Photo : Info-Dimanche.
Mon deuxième bateau : le Jean-Philippe

Ce bateau correspondait à mes critères. De plus, il était solide et n’avait que 5 ans d’âge. J’avais maintenant mon deuxième bateau et j’en étais très heureux. Sa coque était construite en chêne de 5/8 de pouces d’épaisseur. Il mesurait 27 pieds de long et 9 pieds de large avec un tirant d’eau de 9 pouces. Il était mû par un moteur « quatre temps » de marque Mercury de 50 forces, le tout en bon ordre. Il n’y avait pas de cabine dessus, sinon juste un petit compartiment à l’avant. Une petite cabine fut ajoutée plus tard.

C’était une grosse chaloupe avec un bon potentiel. Toutefois, je savais qu’il fallait y construire une cabine dans le futur pour le confort des passagers. Comme il ne portait pas de nom, c’est en l’honneur de mon fils que je l’ai baptisé Jean-Philippe. Il avait presque huit ans, soit à peu près le même âge que le bateau. Une fois bien préparé, je l’ai lancé à l’eau aux alentours du 15 juin 1991.

Et les années passent agréablement!

Ma première année de travail comme gardien de l’île aux Basques s’est passée avec mes deux bateaux, le Fleur de mai et le Jean-Philippe. Je peux vous dire que lors de mes voyages à l’île avec de bonnes vagues, j’en ai bu de l’eau salée! Et encore aujourd’hui les membres qui ont vécu cette époque s’en souviennent et en rient! On y plaçait le bagage au centre de la cuvette et on le recouvrait d’une bâche. Je faisais enfiler des imperméables aux passagers pour qu’ils soient le moins possible détrempés. Je les obligeais tous à porter la ceinture de sauvetage, mais ce n’était pas une obligation légale de Transports Canada. Malgré cela, ils arrivaient tout mouillés à l’île. Mais, ce fut une très belle saison!

Les années qui ont suivi m’ont permis d’apprécier les hauts et les bas de la responsabilité d’être le gardien de l’île aux Basques.

La fin du Jean-Philippe

Ma dernière sortie de l’île avec le Jean-Philippe fut le dimanche 22 octobre 2006. Ce n’est nul autre que mon fils Jean-Philippe qui eût l’honneur de le piloter jusqu’au quai de Trois-Pistoles. Il fut sorti de l’eau à 16 h, ce même jour.

Avec la venue éventuelle d’un nouveau bateau à être construit par la Société Provancher, je prenais conscience des liens que j’avais tissés avec le Jean-Philippe depuis 15 ans étaient plus forts que je n’aurais pu l’imaginer. Par conséquent, me faire à l’idée que nos chemins sur l’eau allaient se séparer m’apportait des pincements au cœur. Qu’allait-il devenir du Jean-Philippe? Finir ses jours dans mon hangar sur terre à l’ombre? J’avais donc à vivre un deuil. Mais, cela m’a pris plus d’un an à accepter de m’en départir.

Ce qui m’en a convaincu est la raison suivante : un bateau est fait pour aller sur l’eau — surtout dans l’eau salée en ce qui le concerne — et non pour passer des années à finir ses jours sur terre! Je l’ai donc mis en vente sur Internet. C’est Johnny Papigatuk — chasseur de phoques et pêcheur dans les eaux de la baie d’Hudson —, un Inuit vivant à Salluit dans le Nunavik, village le plus nordique de la province de Québec, qui était intéressé. Il descendit donc le voir à Trois-Pistoles et l’acheta. Par la suite, je fis livrer le Jean-Philippe au port de Québec pour embarquement à bord d’un minéralier en direction de Salluit, le vendredi 1er août 2008. Le fait de constater que le Jean-Philippe aurait une autre vie sur l’eau salée m’amena un calme en dedans de moi. Malheureusement, j’ai appris l’année suivante, que le Jean-Philippe a été vu sur la plage de Salluit, “échoué, dénudé de ses équipements et délaissé en piètre état”.

Jean-Pierre Rioux, gardien de l’île aux Basques

Photo à la une: Jean-Pierre Rioux

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